Les Allégories Symboliques

Si la recherche de l’originalité dans l’art est une tâche vaine et en tout cas un gaspillage d’efforts, les œuvres présentées par l’artiste Souza Cortés au contraire, sont par nature d’une originalité et d’une personnalité non transférable. La double condition de franco – uruguayenne apporte d’importants éléments  pour leur lecture. Parce que de sa formation, des ambiances rencontrées dans son pays d’origine, de la marque profonde  qu’ont laissé les prédications du Maestro Joaquín Torres García, que provient de ce désir obstiné de cimenter le travail dans un échafaudage constructif solide. Ceci devient visible, soit faisant partie du vocabulaire pictural lui-même, dans des œuvres à grande échelle telles que Céleste ou Nuage blanc, soit structurant l’espace, le subdivisant, de sorte qu’il puisse contenir, dans les sous-mondes créés, son arsenal de signes, comme on peut le voir dans les temperas de petit format  Étude 01 et Étude 02, et repose silencieusement, dans le jeu de formes suggestives nées de gestes inattendus issus de leur propre imaginaire, comme dans VTT ou Incandescence.

Si l’idée de structure, dévoilée par le légendaire Maestro – qui a su créer avec le poète et critique d’art Michel Seuphor dans le Paris de l’avant- garde, l’association CERCLE ET CARRÉ en 1929 – se concrétise dans son travail, non moins vrai est ce qui témoigne également, dans son œuvre, de son autre concept, le plus important, la personnalité de l’artiste propre, donnant lieu à l’émergence de l’original, de ces zones inconscientes, non soumises à la recherche volontaire.

Dans le traitement abstrait et poétique de son travail, tout cela est présent, acquérant un sens évocateur, allégorique et symbolique. Le travail ne dénote pas complètement la réalité, mais c’est en elle qu’il est fortement incarné. C’est son regard sur les objets communs qui nous entourent, d’où il extrait les parties les plus expressives, qui leur permet, par leur géométrie ou leur humanisation, d’intégrer ensuite son espace pictural. Un cercle peut provenir d’une roue, d’un équipement industriel, d’un astre, mais aussi, dans son aspect symbolique, il peut faire référence à l’idée de mouvement, mouvement qui n’est pas dessiné mais exprimé, qui permet les voyages visuels dans l’œuvre et  au même temps reflètent son parcours.

La récurrence de la forme de bateau a des connotations similaires: ce n’est pas seulement l’élément inventé par l’homme pour se mobiliser, mais c’est aussi l’idée archétypale implicite du voyage, du mouvement migratoire, sans doute vécue dans l’expérience personnelle de l’artiste.

L’arsenal de conteneurs qui caractérisent les ports contemporains, dans Galère, par son titre, terme portugais qui fait allusion à la foule, aux fans de football, transforme radicalement son sens et nous oblige à aller au-delà de son traitement géométrique. Il interpelle l’observateur, ce qui donne lieu à une interprétation polysémique qui le conduit à la chose cachée que le titre implique : des personnes ensemble, enfermées de manière invisible. Les cheminées qui peuplent les singuliers toits français suscitent d’innombrables associations, qui n’ont pas peur d’entrer dans l’humanisation de leurs formes ; c’est une allusion à l’effort, au travail de l’homme et à tant d’autres sens qui habitent encore et encore ses peintures.

L’exposition qui nous amène ici, expose des œuvres qui confirment une recherche permanente, poursuivie en France depuis près de 40 ans, réaffirment un sentiment d’appartenance au sol français à sa culture, et tissent les liens qui unissent les deux pays. La coexistence d’œuvres de plus d’une décennie avec d’autres plus récentes reflète  les problèmes de la contemporanéité  et montre également – dans l’unité qui présente l’exposition – la cohérence d’une pensée esthétique constamment renouvelée, sans jamais perdre le profil identitaire unique qui la caractérise.    

ANGELES MARTÍNEZ (Uruguay)

18/03/2019